Chronique de la Mer d'Ondine #1 - Les Grandes Marées

Chronique de la Mer d'Ondine #1 - Les Grandes Marées

Ondine Hingant tient la Chronique de la mer depuis quelques mois sur une radio locale à Saint-Malo!

Chronique de la Mer #1 : Les Grandes Marées 

Les Grandes Marées - Podcast 

"Bonjour à tous!

Pour cette première chronique, je vous propose de découvrir les grandes marées!

En effet, pendant 3 jours nous avons des coefficients de marées qui sont supérieurs à 100!

On parle de grandes marées à partir d'un coefficient de 90, nous sommes donc officiellement en grandes marées depuis hier soir, et jusqu'à samedi soir, avec le pic à la marée de demain soir, avec un coefficient à 102.

Mais en fait qu'est ce que cela veut-il réellement dire?

À Saint-Malo nous avons la chance d'avoir les plus grandes marées d'Europe, (avec un podium dans la baie du Mont Saint Michel plus exactement), et nous sommes sur la troisième place du podium des plus grandes marées du Monde!

Il peut y avoir jusqu'à 12 mètres de marnage, c'est à dire de différence entre la plus grande marée basse et la plus grande marée haute. Les plus grandes marées au monde s'observent dans la Baie de Fundy au Canada (où il peut y avoir jusqu'a 16 mètres de marnage pendant les grandes marées, coefficient de 120), et nous sommes juste après! Aux grandes marées d'équinoxes nous pouvons atteindre des coefficients de 112 voir 115, le maximum étant de 120.

Les marées vont et viennent 2 fois par jour, grâce à l'effet de la lune sur nos océans. Elles respectent donc les cycles lunaires.

Si la terre tourne autour de son axe en 24 heures, la lune tourne en même temps dans la même direction autour de la terre et il faut un jour et 52 minutes pour qu'un point de la terre réapparaisse directement sous la lune. C'est ce qui fait que la marée se décale de 52 minutes chaque jour!

Que peut-on faire de spécial durant les grandes marées?

Et bien les grandes marées se sont l'occasion d'explorer les fonds marins à pied! C'est exceptionnel!

Munissez vous d'un bon guide et d'une paire de bottes, d'un seau, d'une paire de ciseaux et d'un crochet éventuellement. Un guide des tailles réglementaires de ce que vous pouvez pêcher sera aussi très utile.

Avant de descendre sur l'estran, observez autour de vous. Observez la géologie du bord de mer, de cet estran. Les hauts fonds, qui peuvent se transformer en îles et devenir des pièges à marées montantes.

Afin d'être sûrs de ne pas se faire piéger par la marée, il faudra descendre en même temps que l'eau descend sur l'estran, et commencer à remonter avant qu'elle ne remonte! Ne vous laissez pas distraire, l'eau peut remonter très vite!

L'estran n'est pas organisé de manière aléatoire. Il y a une vrai structure, déterminée par le phénomène des marées justement, et le temps que les espèces passent immergées ou émergées.

Plus on monte haut sur l'estran, plus les espèces qui y vivent passent plus de temps hors de l'eau que celles qui sont situées en dessous. Elles doivent alors être plus résilientes, pour résister à la dessiccation, à l'eau douce et donc au choc osmotique, à l'assaut des vagues, aux changements de températures (gel en hiver, forte températures en été), aux changements de lumières, aux UV et à l'exposition des prédateurs terrestres comme les oiseaux marins.

Par contre plus une esèce sera située bas sur l'estran, plus les conditions écologiques seront propices, alors que la compétition sera plus forte! Il y a plus de monde à vivre sur la côte d'azur où il fait bon vivre, c'est pareil dans la nature!

L'organisation des epèces sur l'estran se fera aussi en fonction de la géologie (plus ou moins de roche par exemple) et de l'exposition de la côte, si elle est abritée ou exposée aux vents et à la houle dominante.

Chaque estran est donc unique!

Dû aux rudes conditions, le haut de l'estran abrite évidemment peu d'espèces, d'algues ou animales.

Le haut de cet étage est délimité par une marque noire sur le rocher : C'est un lichen noir (Verrucaria), qui délimite distinctement la limite supra/médio-littoral.

On pourra retrouver tout en haut, juste en dessous des lichens, le premier étage de l'estran, le Mediolittoral supérieur, habité par l'incroyable algue brune Pelvetia canaliculata, qui tient son nom de la structure en canal qui la caractérise, et qui lui permet de stocker l'eau de mer, pour se protéger efficacement de la dessiccation. Elles peuvent rester hors de l'eau durant une semaine durant les marées de mortes eaux, c'est à dire de faible coefficient. Leur "goutière", orientée vers la roche, associée à du mucus, peut retenir l'eau de mer très longtemps.

Bien que comestible, on consomme rarement la Pelvetie.

D'ailleurs, savez-vous qu'aucune macro algues n'est toxique? 

Le danger dans leur consommation peut venir de l'iode, si l'algue est consommée crue. Les grandes algues brunes, les laminaires, en contiennent beaucoup, mais l'iode s'évapore à la cuisson. Il conviendra donc de cuire dans de l'eau bouillante les grandes algues brunes avant de les consommer.

En dessous de la Pelvetie, on retrouvera les Fucus spiralis, ces algues brunes dont la structure n'est pas plate mais tourne legerement en spirale.

En dessous nous sommes dans l'étage MEDIOLITTORAL moyen, et nous allons tomber sur l'Ascophyllum nodosum. Cette grande algues brune tient son nom, nodosum, des flotteurs qui la parcourent, des aérocystes, et qui font comme des noeuds sur une corde à noeuds. On peut d'ailleurs connaitre l'age de cette algue en comptant précisément le nombre de flotteurs qu'elle comporte. Sur ces Ascophyllum, on retrouve souvent de petites touffes accrochées, c'est une autre algue brune, parasite de la première, que l'on appelle Polysiphonia.

Allez, descendons encore un peu...

En dessous nous allons tomber sur 2 autres espèces de Fucales, les Fucus vesiculosus et Fucus serratus. La premiere héberge de petite vésicules, des aérocystes, comme pour l'Ascophyllum, qui lui permettent de se redresser dans l'eau, et la seconde a la même forme générale mais sans vésicules, et son bord est dentelé.

Peu consommées, elles jouent un rôle prépondérant dans cet habitat car elles permettent de retenir l'humidité et d'abriter un grand nombre d'espèces, que ce soient des espèces fixées au rocher, rocher lui même recouvert de ces algues, ou bien de d'autres espèces, majoritairement des gastéropodes et des arthropodes, qui s'abritent entre les frondes de ces algues.

Amusez-vous à soulever délicatement les algues, en essayant d'observer les différentes espèces qui s'y cachent, on peut avoir de jolies surprises à ce jeu la!

Ce sont les grandes marées, alors profitons-en pour descendre un peu plus bas, et atteindre cet endroit de l'estran qui ne se découvre que lors des grandes marées, et sur un temps assez court.

Bienvenu dans le monde de l'Infralittoral.

Dans la partie supérieure de cet étage, nous allons retrouver soit les grandes Laminaires sucrés, la Saccharina latissima, ou encore le Kombu royal, dans les baies calmes, ou bien les haricots de mer, Himanthalia elongata, si nous sommes sur une côte plus exposée.

Ces 2 espèces sont très intéressantes pour les cueilleurs d'algues, car toutes les 2 se consomment!

La Laminaire sucrée est une grande algue gaufrée.

Vous pourrez la cueillir en coupant au dessus de son stipe (c'est comme la tige des algues) des individus d'au moins 1m50. Utilisez la pour remplacer vos papillotes pour faire cuire votre poisson au four et même sur le barbecue! C'est un exhausteur de gout incomparable! Sinon faites-la sécher sur un fil à linge, au grès du vent mais à l'abri du soleil, pour l'utiliser plus tard, en paillette ou entière!

Le haricot de mer, quand a lui, est très facile à reconnaitre car cette algue ressemble justement à de grands haricots. Elle peut être cueillie de mars à juin, avec une préférence en début de printemps, sur des individus qui mesurent au moins 80 cm de long. Coupez les lanières au dessus de son disque, et hop dans le seau! Rentré à la maison, vous pouvez directement les congeler, ou les utiliser crus dans une salade en petits morceaux, ou cuit comme des spaghettis!

Au passage, ramassez quelques algues vertes, de la laitue de mer, ou de l'enteromorphe, apellé aussi Ao Nori, qui, contrairement à ce que l'on pense, ne sont pas toxiques! C'est le gaz issus de leur décomposition en grand nombre sur les plages, après des marées vertes, qui est hautement toxique lorsqu'il est inhalé!

Mais chaque algue a son importance et sa place sur l'estran et dans nos océans.

Pour terminer, je vous inviterai durant cette balade à trouver la très convoitée et très bonne algue rouge, la Palmaria palmata, ou Dulse, que l'on trouve lors des grandes marées. On peut les cueillir à partir du 1er avril et jusqu'au 31 décembre, sur des individus de 25 cm minimum. Goutez-la crue à peine récoltée, c'est un délice! Vous pourrez la faire sécher près d'une source de chaleur, sur une grille et à l'abri de la lumière directe. Une fois sèche, réduisez-la en poudre et amusez-vous à en saupoudrer dans vos salades, vos omelettes, ou à faire un tartare d'algues, mélangé avec votre algue verte, du fromage frais, du citron et un peu de piment d'espelette!

Cette chronique est trop courte pour vous parlez de tous les trésors que nous pourront trouver lors des grandes marées, alors soyez curieux, enfilez vos bottes et partez à l'aventure!

Ha oui, vous voulez connaitre mon astuce beauté préférée? Un bain d'algues! Un bain bien chaud, une infusion d'algues fraiches dans un sac en tissu, et on profite de tous les minéraux et les oligo-éléments des algues pour notre santé et notre bien-être!

 

Aller je rappelle quelques règles:

Ramassez toujours des algues qui sont encore accrochées aux rochers, et jamais des algues dérivantes, dont on ne sait pas d'ou elles viennent.

Quand vous cueillez des algues, pensez à grappiller sur différents endroits pour ne pas abimer une zone et protéger la ressource. Et lorsque vous cherchez sous les cailloux les trésors cachés, pensez toujours à bien remettre les cailloux au même endroit et dans le bon sens!

Si vous cherchez des initiatives pour aider les scientifiques à observer et mieux comprendre le littoral et les interactions entre les algues brunes et leurs habitants, regardez du côté de BioLit, un projet MNHN et Planete Mer, piloté à la Station Marine de Dinard, le Cresco, et aussi mon ancien boulot!  

De belles lectures sur les algues: les ouvrages de Régine Queva, qui a aussi monté l'association Croqueuses d'algues dans les Côtes d'Armor, ou encore La Révolution des algues de Vincent Doumeizel.

Pensez aussi à regarder les horaires de marée en ligne sur Marée info

Bonne journée, et bonne marée!

La Chronique de la Mer d'Ondine: Retrouvez ici les différents épisodes !

Chronique de la Mer #1: Les Grandes Marées - Podcast audio

Chronique de la Mer #2 : Les bienfaits de l'eau de mer - Podcast audio

Chronique de la Mer #3: Les petits gestes pour ne pas polluer en bateau - Podcast en vidéo

Chronique de la Mer #4: L'apnée - Podcast en Vidéo

 

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