"Bonjour à tous, aujourd'hui je vais vous parler des Sept Iles, cet archipel composé de 5 iles (et non 7!) et d'une trentaine d'ilots, qui se situe au large de la côte de Granit Rose et de Perros-Guirec, et qui est tout à fait unique en son genre.
L'histoire commence en 1912 avec l'arrêt de la chasse au Macareux Moine, ce petit oiseau appelé aussi oiseaux clown.
Au XIXe siècle, les pêcheurs de Perros-Guirec chassaient le Macareux Moine pour sa viande, et ramassaient leurs œufs au printemps. Petit oiseau marin qui vit comme un lapin dans un terrier, les pêcheurs se postaient à la sortie de ces terriers avec un bâton, et chassaient cet animal si particulier très apprécié pour sa chair mais aussi pour le commerce des plumes d'oiseaux qui ornaient les chapeaux des dames de l'époque.
Vers 1900, la chasse au Macareux Moine se démocratise à coups de publicités dans les gares des métro parisiens, et en quelques années, la population des Macareux passe de 15 000 couples, à seulement 400 couples sur l'ile de Rouzic, cette ile emblématique des 7 Iles. L'espèce est au bord de l'extinction, et l'ile est un véritable carnage.
Albert Chappellier va alors fonder la Ligue française pour la Protection des Oiseaux, la LPO, dont la première action sera la protection des Macareux aux 7 Iles en 1912 avec l'arrêt de la chasse, créant ainsi la première réserve française. Il fera d'ailleurs du Macareux Moine son emblême.
Depuis 1976, les îles et l'espace maritime qui les entourent ont acquis le statut de Réserve Naturelle Nationale, et comprend l'ensemble des îles de l'archipel ainsi que leurs estrans, soit 280 hectares!
Les 7 Iles sont un refuge immense pour les oiseaux marins! L'Ile Rouzic, l'ile la plus importante du territoire français en population d'oiseaux marins, abrite à elle seule 11 espèces nicheuses:
On y trouve par exemple la seule et unique colonie de Fou de Bassans française. Ces oiseaux de mer majestueux, cousins des Pélicans, et plus grand oiseau de mer de la France métropolitaine, se caractérise par son plumage blanc et sa tête jaune. Ils sont connus pour leurs plongées spectaculaires à plus de 30 mètres de hauteur, à la recherche de poissons. Installés depuis seulement 1930, la population était en croissance permanente jusqu'à l'été dernier, car en 2022 la fameuse Grippe Aviaire dont vous avez forcement entendu parler, a décimé 50% de la population de Fou de Bassan qui mettra probablement plusieurs années à s'en remettre.
Les îles abritent également une grande population de Guillemots de Troïl, des oiseaux noirs et blancs qui nichent sur les falaises escarpées de l'archipel.
On y trouve aussi une population de Pingouins Tordas, des oiseaux marins ressemblant à des pingouins avec leur plumage également noir et blanc. C'est l'oiseau marin le plus rare et le plus menacé en France. Comme chez le Guillemot, le jeune saute à la mer avant même de savoir voler!
Les Puffins des Anglais, petits oiseaux marins au bec fin, nichent également sur certaines des îles de l'archipel. Tout comme les macareux, ils creusent des terriers pour y installer leurs nids.
Et il y a bien sûr l'emblématique Macareux Moine, reconnaissable à son bec coloré en forme de couteau, souvent rempli de petits poissons comme des lançons ou des capelans, qu'il peut aller pêcher jusqu'à 60 m de profondeur. Espèce vivant au large durant l'année et à l'aspect beaucoup moins coloré durant cette période, les adultes reviennent sur les iles au printemps pour y faire leurs nids, pondre et couver leur unique oeuf par couple. Le Macareux Moine est une espèce qui peut vivre jusqu'à 25 ans, et le couple est soudé à vie.
Remontée à 7000 individus en 1950 à la suite de la création de la réserve naturelle et de l'arrêt de la chasse, la population de Macareux Moine a subit de plein fouet les marées noires, notamment celle du Torrey canyon et de l'Amoco Cadiz, puis de d'autres types de pollutions, plastiques et visuelles par exemple.
C'est une population qui a aujourd'hui beaucoup de mal à se développer, avec moins de 200 couples répertoriés en 2022.
En surface, les phoques aussi viennent se reposer et mettre bas ici.
70% des naissances françaises de phoques gris ont lieu au sein des 7 Iles, même si la population vivant au sein de la réserve ne représente que 10%!
On y dénombre ainsi 30 à 200 phoques qui y résident à l'année en fonction des saisons, avec une cinquantaine de naissance par an depuis les dernières années…
On y croise aussi régulièrement des marsouins, des dauphins communs ou encore des requins taupes.
Si aujourd'hui je tenais à vous parler des sept îles, c'est parce qu'il y a eu un évènement majeur qui s'est déroulé cet été 2023: nous sommes passés de 280 hectares protégés à 19700 hectares!
La Réserve des 7 Iles est donc devenue la seconde réserve naturelle de France métropolitaine après celle des Bouches de Bonifacio en Corse.
Dans cette extension de la réserve, y ont été ajouté l'Ile Tomé dans la Baie de Perros Guirec ainsi que Le plateau des Triagoz.
L'Ile Tomé, en étant protégée de nouveaux dérangements, pourrait redevenir un espace de repos et de reproduction pour de nombreuses espèces d'oiseaux marins. Car effectivement, certaines espèces comme les Fous de Bassans par exemple, prennent de plus en plus de place chaque année, et des espèces plus discrètes comme les Macareux Moines cherchent de nouveaux espaces de nidification.
Le Plateau des Triagoz, avec son phare emblématique qui fut le dernier phare à être automatisé, constitue la limite ouest de cet espace, et fait office de réserve de Biodiversité avec un reposoir important pour les oiseaux marins, mais aussi pour les colonies de Phoques gris.
L'extension de la réserve inclus donc des espaces marins, afin de permettre le calme autour des iles, des espaces que les oiseaux et les mammifères marins utilisent quotidiennement pour chasser et se reposer.
D'ailleurs entre avril et août, une zone de protection renforcée de plus d'1km carré autour de l’île Rouzic est désormais interdite à tout usager afin d’assurer la tranquillité de cette faune sauvage précieuse et encore trop souvent dérangée.
Augmenter la superficie de la réserve naturelle permet donc aux différentes espèces d'oiseaux et de mammifères marins d'augmenter leurs populations et d'étendre leurs sites de nidification, afin d'être plus résilients, plus résistants face aux différents dangers environnementaux.
En plus de protéger toutes les espèces habitant dans écosysteme unique, les réserves naturelles jouent d'autres rôles tout aussi importants:
Un rôle de laboratoire à ciel ouvert pour les scientifiques et les associations qui travaillent sur le terrain et qui peuvent y mener des travaux de recherche sur le long terme.
Mais aussi ce qu'on appelle "l'effet réserve": les espèces, en meilleure santé à l'intérieur des réserves, vont pouvoir sortir de ces réserves et aller s'installer en dehors pour repeupler de nouvelles zones. Un vrai cercle vertueux, qui marche aussi avec les poissons par exemple!
Protéger donc un tel endroit a des impacts à l'échelle nationale et internationale!
Vous l'aurez compris, Les 7 iles abritent donc une folle biodiversité sous l'eau comme sur l'eau, entre ses ilots et ses champs d'algues, qui hébergent toute une faune sous-marine et terrestre riche, dynamique et précieuse!
N'hésitez pas à aller découvrir cet endroit unique, à 2h de route de Saint-Malo!"
La Chronique de la Mer d'Ondine: Retrouvez ici les différents épisodes !
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Chronique de la Mer #2 : Les bienfaits de l'eau de mer - Podcast audio
Chronique de la Mer #3: Les petits gestes pour ne pas polluer en bateau - Podcast en vidéo
Chronique de la Mer #4: L'apnée - Podcast en Vidéo